INTERVIEW EXCLUSIVE – La sénatrice UDI dit s’être heurtée à des «refus polis» lors de ses demandes d’informations. Son rapport d’enquête parlementaire, rédigé avec la députée LREM Carole Grandjean, esquisse néanmoins plusieurs solutions pour lutter contre les arnaques aux aides sociales.
Nathalie Goulet est sénateur (UDI) de l’Orne, et rapporteur spécial de la mission «Engagements financiers de l’État». Elle a remis mardi au gouvernement un rapport d’enquête parlementaire sur la lutte contre la fraude sociale, réalisé avec la députée LREM Carole Grandjean.
LE FIGARO. – Votre rapport d’enquête parlementaire a conclu à l’«impossibilité matérielle» de chiffrer la fraude aux aides sociales en France. Les administrations refusent-elles de communiquer certaines informations?
Nathalie GOULET.- Il y a effectivement eu un «défaut de réponse» officiel sur cet aspect du problème. Nous n’avons pas pu obtenir certaines données. La Cnav (la Caisse nationale d’assurance vieillesse, ndlr) a répondu par l’impossibilité «juridique et technique» de produire des requêtes sur des assurés qui sortent de son champ. Elle n’a d’ailleurs également pas pu répondre aux questions du sénateur Sébastien Meurant, rapporteur spécial du budget de l’immigration. Je ne présume aucunement des raisons de cette attitude mais elle nous a déçues! Par ailleurs nous n’avons pas eu toute l’assistance technique nécessaire pour nos rapports avec les services administratifs.
Même si les estimations autour de l’ampleur de la fraude divergent, n’y a-t-il pas urgence à réformer l’attribution des prestations sociales?
Et comment! Les prestations versées chaque année atteignent 450 milliards d’euros! Nous sommes passées outre les refus polis de l’administration et avons quand même pu faire de nombreux constats sur les techniques de fraude, et donc également sur les moyens de lutte que l’État pourrait mettre en place. Par exemple, se pose la question des ressortissants qui ne vivent plus en France et n’ont pas à bénéficier de son système social. Pour lutter contre les abus, il faut impérativement conditionner la validité d’une carte vitale d’un ressortissant à la durée de son permis de séjour. Ceci serait facilement possible en croisant les éléments de l’état-civil et des organismes sociaux. La fraude au domicile constitue un autre type de fraude contre lequel nous pouvons déjà lutter. Lorsqu’un bénéficiaire touche une allocation correspondant à une personne seule à un domicile, il peut toucher des allocations familiales à une autre adresse! Actuellement il n’y a pas de «domicile social» unique pour l’attribution et le versement d’aides. Il faut le mettre en place. Enfin, la collaboration avec les établissements financiers peut nous faire avancer sur certains sujets: nous pourrions identifier si des versements ont lieu sur des comptes d’épargne. En ce qui concerne les prestations vieillesse, nous pourrions obtenir de la part des banques des preuves de vie, etc.
Quelle a été la réaction d’Agnès Buzyn et d’Olivier Dussopt lorsque vous avez évoqué ces problèmes? Connaitra-t-on un jour le montant réel de la fraude?
Ils nous ont assuré comprendre les enjeux qui se posent, et ont écouté nos demandes d’informations supplémentaires. Les ministères connaissent d’ailleurs l’étendue du problème depuis longtemps. Je cite notamment un rapport de l’Igas [Inspection générale des affaires sociales, ndlr] de 2013, qui évoque 7,76 millions de cartes vitale qui auraient dû être désactivées. La mission d’enquête que nous avons menée a été techniquement limitée. Dans les neuf mois, un rapport sur les modalités de gestion et d’utilisation du répertoire national commun de sécurité sociale doit être rendu. Je sais bien que conclure un rapport sur la nécessité d’un nouveau travail confine à l’absurde, mais nous devrions obtenir des informations intéressantes. Je demande également la mise en place d’un audit spécifique dédié à cette question, pour lequel nous aurons enfin les moyens et l’appui nécessaires. Je suis prête à m’y investir pour continuer à travailler sur le sujet. Étant donné les montants en jeu, il faudra de toute façon instaurer une autorité indépendante, dotée de pouvoirs de sanctions, pour contrôler les résultats de lutte contre la fraude sans contestation possible.